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L'Émir Abd el-Kader (1808-1883)  Le plus chrétien des Sultans
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.Abd el-Kader ben Muhieddine  ( عبد القادر بن محي الدين )
(Vincent) Une petite mise en garde avant de commencer, je ne suis pas historien de profession et quand bien même si je l'étais, je pense que ce sujet, compte tenu de sa complexité, doit comporter des erreurs de fait ou d'interprétation.
Abd el-Kader possède le titre de " plus coriace ennemie que la France ait eu à combattre ".
Il n'a donc jamais été " l'ami de la France " comme la propagande de l'époque aimait à le représenter.
Voici un chapitre sur un personnage assez remarquable qui m'a fasciné et qui fait partie intégrante de l'histoire de France, il s'agit du très surprenant Abd el-Kader qui fut Sultan (Emir, Roi) d'Algérie et qui jeta les bases de l'Algérie de l'époque moderne.

Concernant son titre d'autorité, Abd el-Kader préférait le mot "Émir" mais pour les Algériens et les Français de son époque, il avait le titre de "Sultan", c'est-à-dire "Roi". (Roi d'Algérie, Roi des arabes) et
Charle-Henry Churchill dans son livre emploie uniquement le terme "Sultan". Dans sa correspondance, Abd el-Kader désignait le Roi Louis-Philippe comme "le Sultan des Français".

En terme de désir de développement social et économique, de modernisation, on peut le comparer à l'égyptien
Méhémet Ali (1769-1849) ou le Turc Mustafa Kemal (1881-1938). A la différence qu'il était doté d'un désir intense d'atteindre les plus hautes marches de l'humanisme, au point qu'il rappelait aux Français qu'ils devaient s'estimer heureux de l'avoir comme ennemie car il dépassait largement les préceptes de sa religion en terme d'esprit de charité et que de ce fait il prenait des risques vis-à-vis de ses coreligionnaires.

Il devait estimer que son désir de plaire à Dieu était prioritaire sur "tout le reste".


Voici donc des extraits du livre de Charle-Henry Churchill "la vie d'Abd el-Kader" (édité pour la première fois en 1867) que l'auteur à bien connu. J'ai été amené à lire ce livre car je l'avais acheté pour l'offrir à l'un de mes beaux-frères algérien. Les extraits que je vais vous partager
concernent l'esprit de charité extrême que possédait Abd el-Kader afin qu'il nous serve de modèle.

Abd el-Kader, par son humanisme, m'a fait penser à Saladin (1138-1193) et d'ailleurs ces deux personnages ont été rappelé à Dieu dans la même ville, Damas.
SOMMAIRE

-- Le contexte historique
-- Chronologie
-- Mon opinion sur ces événements : les erreurs d'Abd el-Kader

Extrait du livre
(période 1841-1852)
-- L'historique échange de prisonniers de Sidi-Khalifa, le 21 mars 1841
-- Les prisonnier français chez le sultan
-- La mère du Sultan
-- Une ère nouvelle dans le traitement des prisonniers
-- Un décret sur les prisonniers de guerre
-- La réddition d'Abd el-Kader (1847)
-- Séjour forcé en France (de 1847 à 1852)

Damas 1860

-- Le contexte historique
-- Extrait du livre (les événements de 1860)

Visite chez le Sultan

Ces temps-là appartiennent au passé (...) Tachons toujours de vivre dans le présent

Le contexte historique : les Français ont débarqué à Alger en 1830 pour y chasser les Turcs et mettre fin à la piraterie qui y sévissait depuis des siècles, Ils se sont installés sur le littoral mais l'arrière-pays ne les intéressait pas.  A la suite de combats qui ont tourné à l'avantage des Algériens (rallier à celui qui deviendra leur Sultan) deux traités de paix sont signés et les Français ont reconnu Abd Al-Kader Sultan (Roi) d'une large zone de l'arrière-pays et ils le considèrent comme quelqu'un de confiance et aimeraient qu'il soit un allié de la présence française en Algérie.

La politique officielle de la France était "l'occupation restreinte" (sur le littorale) dictée essentiellement pour des questions de coût, en argent et en vie humaine. Ces guerres coloniales étaient une source de dépense que certains en France jugeaient inutile. Les allemands n'ont pas eu de véritable empire coloniale car ils assimilaient cela à une "escroquerie" vu que cela ne rapportait rien (à part la gloire, valeur que le gouvernement allemand estimait de peu d'intérêt). Les allemands vont finir par regretter cette habitude mais il sera trop tard.

Une certaine naïveté régnait chez les Français sur les véritables intentions
d'Abd Al-Kader. Il arrivait même que les autorités françaises lui livrent des armes pour l'aider à dominer certaines tribus rebelles à son autorité et de nombreux Français travaillaient pour lui comme instructeur militaire ou entrepreneur, ... mais le Sultan n'a pas su profiter de cette insouciance des responsables français et ne s'est pas rendu compte à quel point la paix lui était profitable.

Malgré les mises en garde des généraux français sur ses chances de gagner la guerre.
Abd Al-Kader et son Conseil des chefs de tribus décidèrent de rompre la trêve suite à une provocation des autorités françaises, que ces derniers croyaient sans conséquence. Les militaires français n'étaient pas des "fanatiques va-t-en-guerre" contrairement aux Algériens qui avaient du mal à se "freiner" et a analyser les rapports de forces. Les Algériens de cette époque étaient aussi très portés sur un certain "mysticisme naïf" qui les desservait.

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Chronologie
1808 - Naissance d'Abd Al-Kader.
1830 - Débarquement et prise d'Alger par les Français. Début de la fin progressive de l'emprise Turque sur l'Algérie. (Oran 1831 - Constantine 1837)
1834 - Après des batailles perdues et gagnées par les deux camps, traité du 24 février entre Abd Al-Kader et le général Desmichels.
La France aide
Abd Al-Kader à consolider son pouvoir et à unifier son pays.
1837 - Après une reprise des combats, traité de Tafna entre Abd Al-Kader et le général Bugeaud.
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1839 - Expédition française dite des "Portes de Fer" (entre Constantine et Alger) ...
... qui fut considérée par Abd Al-Kader et les chefs des tribus comme une violation du traité de Tafna.
La volonté d'apaisement des Français échoue et la guerre recommence
, elle sera fatale à Abd Al-Kader.
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1842 - Nomination du maréchal Bugeaud comme gouverneur général de l'Algérie.
1843 - Prise de la Smala (la capitale d'Abd Al-Kader) par le duc d'Aumale (fils du Roi Louis-Philippe).
1844 - Abd Al-Kader recherche l'aide du Maroc qui se décide à intervenir mais qui est battu par les Français à la bataille de l'Isly le 14 août.
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1847 - Reddition d'Abd Al-Kader qui fut exilé en France avec sa suite, composée de 61 hommes, de 21 femmes et de 15 enfants (97 personnes).
1848 - Résidence au château de Pau puis à Amboise.
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1852 - Libération d'Abd Al-Kader et visite de Paris.
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1853 - Départ de France et installation à Brousse (Turquie). Cette ville fut entièrement détruite en 1855 par un tremblement de terre.
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1855 - Installation à Damas (Syrie).
1860 - Intervention d'Abd Al-Kader en faveur des chrétiens victimes de massacres orchestrés par les autorités Turques.
Abd Al-Kader reçoit la Légion d'honneur ainsi qu'une multitude de récompenses d'autres pays.


1883 - Rappel à Dieu d'Abd Al-Kader à 75 ans.
Les cendres d'Abd El-Kader, déposées à la mosquée de Damas, ont été ramenées en Algérie en 1965 et se trouvent aujourd'hui à Alger au cimetière d'El-Alia.



Mon opinion sur ces événements : Abd el-Kader à commis plusieurs erreurs qui furent une source de malheurs pour les Algériens et le Français.

1 -
Abd el-Kader était d'accord pour permettre aux Français d'occuper les villes de la côte, compte tenu du fait qu'elles avaient été prises aux Turques. Mais Abd el-Kader était bien trop rigide quand à la cohabitation de ces 2 autorités ce qui ne pouvaient que provoquer le conflit. Les Français désiraient les terres alentour pour consolider leur position et pouvoir relier leurs 3 possessions (Alger, Oran et Constantine) par voie de terre.

Abd el-Kader
sous-estimait les efforts qu'avaient dû faire les français pour débarrasser l'Algérie de la présence Turque (et mettre fin à la piraterie), notamment l'opération (toujours très risquée) d'un débarquement en territoire ennemi. Les Français étaient tellement fiers de leur succès que l'idée de plier bagage quelques années après leur était impensable, dotant que le pays pouvait sombrer dans l'anarchie car de nombreuses tributs étaient hostiles à toute centralisation politique. Abd el-Kader aura beaucoup de mal à leur faire comprendre la nécessité d'être uni et n'hésitera pas à employer la force pour leur faire entendre raison.

Plus de souplesse et de compréhensions d'
Abd el-Kader auraient permit d'éviter la guerre (et la fin de l'État Algérien naissant) et l'Algérie serait devenue une sorte de protectorat et non une colonie (donc pas de guerre d'indépendance).

2 - La rupture de la paix en 1839 (qui découle du premier point) fut l'erreur fatale d'
Abd el-Kader car il surestimait ses forces et que la paix lui était bien plus profitable que les hasards d'une guerre face à un puissant pays. Si les Algériens n'avaient pas réussi à se défaire des Turques, comment pouvaient-ils espérer se défaire des Français qui avaient vaincu ces même Turques. Abd el-Kader voulait "tout et tout de suite" sans tenir compte du rapport de force en pensant que Dieu l'aiderait, ... mais le Seigneur avait d'autres projets.

3 - Après la prise de la Samala en 1843 (la capitale itinérante
Abd el-Kader) le chef Algérien aurait du se rendre, les années de guerre qui vont suivre vont mettre l'Algérie à feu et à sang en pur perte.



Extrait du livre de Charle-Henry Churchill "la vie d'Abd el-Kader" (Première édition en 1867)


Algérie, 1841-1842

L'historique échange de prisonniers de Sidi-Khalifa, le 21 mars 1841

(Nous sommes chez les français) C'était une nuit du mois de mars 1841, froide, profonde. La tempête soufflait. Plus d'un millier de feux brillaient sous les tentes, dans les maisons, dans les bivouacs. Les hommes discutaient anxieusement des épis des passés, des perspectives d'avenir de la guerre. Les généraux consultaient leurs carte, les soldats portaient les toasts traditionnels · l'amour et à la gloire ; les aumôniers lisaient leur bréviaire, l'évêque d'Alger venait de dire sa messe de minuit.

Soudain une jeune femme se précipita dans sa chambre et se jeta à ses pieds en s'écriant d'une voix follement désespérée : « Mon mari, le père de mon enfant ! »  Son mari avait disparu dans l’épouvantable ouragan de la guerre qui avait dévasté la plaine d'Alger. Mais il était sain et sauf, il était avec Abd el-Kader.

Le bon évêque déplorai depuis longtemps, mais en vain, le triste sort des prisonniers français qui se trouvaient entre les mains des Arabes. Il avait souvent suggéré des mesures pour leur soulagement, mais l'orgueil et la dignité nationale française avaient jusque là opposé une barrière infranchissable à ses desseins charitables.

Cependant touché, ému, par la cène qui se déroulait devant lui, il résolut de briser les entraves qu'on lui imposait. Confiant et rempli de l'espoir de trouver un écho dans le cœur du chef auquel il allait faire appel, il écrivit a Abd el-Kader.

(…) Vous ne me connaissez pas, disait-il, mais ma vocation est de servir Dieu, et en lui, d'aimer tous les hommes, qui sont ses enfants et mes frères. Si j'étais capable de monter à cheval, je ne redouterais ni les ténèbres de la nuit, ni les mugissements de la tempête. Je me présenterais à la porte de votre tente et, vous implorerais d'une voix à laquelle vous seriez incapable de résister, si du moins l'idée que je me fais de vous répond à la réalité, je vous dirais : « Remettez moi ce frère infortuné tombé entre vos mains valeureuses». Mais je ne puis venir en personne.

« Laissez-moi vous envoyer un de mes compagnons. Que la lettre qu'il vous remettra et que j'écris à la hâte supplée’ cette pn·e· re ver ba 1e que Dieu aurait bénie, car elle serait venue du fond du coeur. « Je n'ai ni or ni argent à vous offrir. Votre seule récompense viendra des prières sincères et de la profonde gratitude de la famille au nom de laquelle je vous écris. « Que les miséricordieux soient bénis, car ils obtiendront miséricorde».

Abd el-Kader répondit sur-le-champ à ce message, et en ces termes :

« J'ai reçu votre lettre et je l’ai comprise. Elle ne m’a guère surpris après tout ce que j'ai entendu dire de votre
s~t inrc personne. Néanmoins, permettez-moi de vous faire observer qu'en votre double qualité de serviteur de Dieu et d'ami de hommes, qui sont aussi vos frères, vous auriez dû me demander la remise en liberté non d'un seul, mais de tous les Chrétiens qui ont été faits prisonniers depuis la reprise des hostilités.

Je dirai mieux encore : Ne seriez-vous pas, à un double
titre, à la hauteur de cette mission à laquelle vous vous dévoué, et non content d'être l'instrument de ce bienfait en faveur de deux ou trois cents Chrétiens, vous cherchiez à l'étendre à un nombre égal de Musulmans qui languissent dans vos prisons ? ». .

L'historique échange de prisonniers de Sidi-Khalifa, le 21 mars 1841, fut la glorieuse conclusion de ce touchant dialogue entre deux nobles cœurs. L’évêque avait gardé quelques orphelins arabes dont les parents étaient morts dan les prisons françaises. II s’attendit à une protestation. à son grand étonnement il reçut un présent et une recommandation.

« Je vous envoie un troupeau de chèvres, écrivait le libéral Sultan des Arabes avec leurs petits encore à la mamelle. Avec ce troupeau, vous pourrez ainsi, un peu plus longtemps, nourrir les petits enfants que vous avez adoptés et qui ont perdu leur mère. Je vous prie d'excuser un aussi modeste présent» .

Le souci généreux, la rendre sympathie, témoignés par Abd el-Kader à ses prisonniers, sont presque sans parallèle dans les annales de la guerre. Les généraux chrétiens, sur ce point, ne lui arrivent pas à la cheville et pourraient rougir de la dégradation de leurs sentiments d'humanité.

Certes, on ne peut nier que les prisonniers faits par les Arabes furent souvent exposés aux insultes de leurs barbares vainqueurs, quand ils tombaient au milieu de tribus exaspérées par les souffrances que les Français leur avaient infligées. Cependant, lentement mais sûrement, l'esprit insufflé par le Sultan faisait son chemin. La barbarie reculait devant lui, la charité se faisait jour, l'humanité triomphait.

Partout où Abd el-Kader était présent, les Français en son pouvoir étaient, en vérité, traités plutôt en invités qu'en prisonniers. Il leur envoyait souvent, en secret, soustraites de sa cassette personnelle, des sommes d'argent dont le montant variait de cinq à vingt dollars. Ils étaient assurés d'être bien nourris et bien vêtus.

Abel el Kader alla même jusqu’à souhaiter que leurs besoins spirituels fussent pris en considération. Voici ce que le champion intransigeant de l’islamisme écrivit sur ce sujet, avec des mots qui méritent d'être imprimés en lettres d'or.

A I'Evêque d'Alger : «Envoyez un prêtre dans mon camp. Il ne manquera Je rien. Je veillerai a ce qu'il soit honoré et respecté comme il convient à celui qui est revêtu de la double dignité d'homme de Dieu et de représentant de son évêque. « Il priera chaque jour avec les prisonniers, il les réconfortera, il correspondra avec leurs familles. Il pourra ainsi leur procurer le moyen de recevoir de l'argent. des vêtements, des livres, en un mot, tout ce dont ils peuvent avoir le désir ou le besoin, pour adoucir les rigueurs de leur captivité. A une seule condition : dès son arrivée ici, il doit solennellement promettre une fois pour toutes, de ne jamais faire aucune allusion, dans ses lettres, à l'emplacement de mes bivouacs, ou de mes mouvements tactiques ».


Les prisonnier français chez le sultan

La seule vue d'un prisonnier semblait toucher dans le coeur d'Abd el-Kader une corde sensible qui faisait vibrer, en lui, les sentiments les plus élevés et les plus magnanimes qui puissent ennoblir la nature humaine. Son cœur, si dur, si indomptable face au danger, se dilatait, s'attendrissait avec toute la tendresse d'une femme devant le sort mélancolique et sombre du captif, comme ces fleurs qui n'exhalent leur parfum que dans l'ombre de la nuit.

« Sultan, lui disaient deux prisonniers français qui avaient été amenés devant lui, nous voulons devenir Musulmans ; nous sommes prêts à proclamer et pratiquer votre religion ».

« Si vous te faites en toute bonne foi , répondait Abd el-Kader voilà qui est bien et bon. Mais si vous vous alarmez sans raison de votre présente situation, vous avez tort. Tout Chrétiens que vous soyez et que vous restiez, il ne sera pas touché à un seul de vos cheveux. Pensez plutôt à ce qui vous arrivera, si jamais vous rentrez chez vos compatriotes après avoir renoncé à votre foi. Ne seriez-vous pas traités comme les plus criminels des déserteurs ? Et si un échange de prisonniers avait lieu, comment pourriez-vous espérer profiter de l'occasion ? « 

Un prisonnier français, bouillant d'indignation à la seule idée d'une apostasie, s'écriait, en présence d'Abd el-Kader : « Quant à moi, je ne renoncerais jamais à ma religion. Vous pouvez me couper la tête, mais faite de moi un renégat jamais »

« Sois tout à fait tranquille pour moi, ta vie est sacrée, répondit Abd el-Kader. ]'aime t'entendre parler ainsi. Tu es un homme loyal et brave, tu mérites mon estime. ]'honore le courage en religion plus que le courage au combat».

Un illustre chef maroquin demanda de voir les prisonniers français. Ayant remarqué un trompette, il le pria de jouer un air. Le trompette sonna la charge.

«Qu'est-ce que ça veut dire ? Interrogea le chef marocain. - Dites au Sultan, répondit le trompette, que lorsqu'il entend cette sonnerie, plus tôt il éperonne son cheval et le faire au galop, mieux ça vaut pour lui ». ce chef, qui se considérait comme insulté, demanda que l'offenseur reçût la bastonnade.

« Non, non, dit Abd el-Kader, nous devons être généreux et patients avec nos prisonniers.».

La répugnance d'Abd el-Kader à voir des femmes prisonnières était extrême. La pensée que les femmes étaient victimes de la guerre était pour lui une source de tourment perpétuel. Un jour, la cavalerie d'un de ses Khalifas lui ramena, comme un brillante capture, quatre jeunes femmes. Il se détourna en signe de dégoût.

«Les lions, dit-il en guise de sarcasme, les lions attaquent les animaux qui savent se défendre ; les chacals se rabattent sur les autres ». Il leur arriva, lui et ses compagnons, d'être réduits à la plus grande détresse. On ne se procurait qu'à grand peine de
quoi subsister. Dans cette extrémité, sa pensée se tourna vers quatre vingt quatorze prisonniers français de son camp, qui se trainaient dans la misère la plus profonde. Il les relâcha tous, sans rançon ni échange. Il les fit même escorter jusqu'aux avant-postes, ou ils furent remis à leurs camarades, stupéfiés par un tel acte de générosité.

D'innombrables gestes de magnanimité, connus seulement des officiers supérieurs français qu'il a rencontrés ou avec lesquels il a correspondu, témoignent de l'élévation de son âme.

Un général a dit depuis : "Nous étions obligés de cacher ces faits à nos soldats du mieux que nous pouvions ; s'ils les avaient soupçonnés, nous n'aurions jamais réussi à les faire combattre Abd el-Kader avec toute l'ardeur voulue".

Avec la permission du Gouvernement français, plusieurs artisans français avaient traité avec Abd el-Kader pour exécuter certains travaux dans quatre des villes qu'il avait entrepris de reconstruire. Chacun d'eux devait recevoir trois mille francs. La guerre éclata avant l'achèvement de leur contrat. Ils en étaient à peine à la moitié de leurs travaux. Ils demandèrent la permission de rentrer.

Non seulement Abd el-Kader y consentit immédiatement, mais il leur donna un sauf-conduit et une escorte pour traverser les tribus qui, toutes, avaient pris les armes et ne rêvaient que de faire couler le sang français. A la frontière, la totalité de la somme qui avait été convenue fut versée aux artisans français, qui furent ainsi payés par le Sultan pour des travaux qu'en fait, ils n'avaient pas accomplis.

Convertis, animés, inspirés par un tel exemple, les chefs et délégués du Sultan, dans toutes les provinces sous leur contrôle, se livrèrent eux aussi, pour la plupart et de bon coeur. à des actes de sympathie, de bonté et d’hospitalité à l'égard de leurs ennemis vaincus. Il en fut ainsi d'Ibn Salem et de Ben Hamedi ; et aussi de Sidi Embarek, cette brillante réplique de l'esprit de son maitre, dont les prisonniers, dès qu'ils furent libérés, se cotisèrent pour lui offrir des pistolets d'honneur.



La mère du Sultan

Mais, dans tous ces pieux devoirs qui allègent et cicatrisent les inévitables souffrances de l'exil et de l'abandon, personne ne surpassa la mère du Sultan, la bonne, la douce Lella Zohra. Elle se chargea, comme d'un droit naturel, de la garde de toutes les femmes prisonnières. Le soin, la sollicitude qu'elle leur dispensa furent aussi extraordinaires qu'exemplaires. Elles occupaient une tente proche de la sienne. Deux de ses esclaves noirs en gardaient les accès. Personne n'était autorisé à s'y; approcher sans un ordre particulier.

Tous les matins, elles recevaient, de ses propres mains, des dons variés : huile, beurre, viande, et autres denrées, pour leur repas. L'une d'elles tombait-elle malade, elle leur apport?~t, animé d'un maternel souci, du thé, du sucre, du café - tout ce qu'elle pensait devoir contribuer à leur soulagement et à leur confort.

Un jour, on ramena un groupe de prisonniers français, qui fut provisoirement logé à proximité de sa tente. Elle sortit pour les visiter. « Qu'êtes-vous venus faire dans notre pays ? Observa-t-elle, en les considérant avec compassion ; c'était un pays paisible et prospère, et vous l'avez couvert des désolations de la guerre. Certes, c'est la volonté de Dieu qui s'accomplit Mais ce Dieu est tout-puissant. ses desseins sont impénétrables. Peut-être, un de ces jours, à l'heure de la réconciliation nous pourrons vous rendre à vos foyers et à vos familles ».

Ces paroles d'espoir, qui faisaient battre les cœurs, relevaient le moral des malheureux prisonniers, et leur semblaient être comme les rayons lointains d'une liberté à venir, qui déjà éclairaient leur captivité, en révélant, d'un trait glorieux, la mère d'Abd el-Kader.



Une ère nouvelle dans le traitement des prisonniers

Par son humanité, Abd el-Kader avait fait beaucoup plus qu'inaugurer une ère nouvelle dans le traitement des prisonniers chez les Arabes. C'est grâce à lui que les soldats purent échapper au massacre sur le champ de bataille et que l'on fit des prisonniers. Le mot même de "prisonnier" avait été jusque-là inconnu au milieu de leurs sauvages tribus.

Ne faire aucun quartier, massacrer tous ceux qui se trouvaient sur leur passage et tombaient entre leurs mains, dénombrer leurs ennemis vaincus par le nombre de têtes sanglantes qui se balançaient à l'arçon de leurs selles, et en recevoir des récompenses tout cela était dans leurs mœurs, et ces mœurs étaient devenues un instinct.

Qui fut le premier à abolir des pratiques aussi atroces ?
Qui interdit, avec toute la
sévérité les circonstances permettaient, la pratique d'ajouter aux têtes de ceux qui avaient été occis au combat, les têtes des prisonniers capturés vivants, blessés ou !non ?
Qui, au lieu de la somme d'argent donnée jusque là pour chacun de ces trophées sanguinaires, donna une somme double ou triple pour chaque prisonnier ramené saint

(...) Une fois encore, répétons- le, et que la Chrétienté et tout le monde civilisé en soient instruits, ce fut Abd el-Kader Mais ce ne fut certes pas sans le risque d'une insurrection générale qu 'Abd el-Kader insista et persévéra dans la voie nouvdle qu'il avait décidé de suivre. Sourd aux murmures, impassible devant les menaces, il marcha dans cette voie jusqu'à ce qu'il eût achevé la révolution morale qui lui avait été dictée par la religion et l'humanité.

Dans les premiers temps de cette réforme, un de ces soldats lui demanda sur un ton insolent

« Combien donneras-tu pour un prisonnier ? « Huit dollars.
« Et combien pour une tête coupée ? « Vingt-cinq coups de bâton sur la plante des pieds ».

Un jour, Abd el-Kader demanda que cinq prisonniers, depuis plusieurs semaines en son pouvoir, fussent amenés devant lui. Trois d'entre eux ·furent immédiatement convoqués par le Khalifa à la garde duquel ils avaient été confiés. Celui-ci, qui craignait l'enquête du Sultan, vlnt près d'eux et leur dit : « Eh bien ,prenez donc ces burnous, jetez-les sur vos épaules ; le Sultan veut vous voir. S'il vous pose des questions, ayez soin de lui dire que vous avez été bien traités et que vous ne manquez de rien. - « très bien. Mais SI on nous demande si ces burnous sont les nôtres ? « Dites que vous les portez depuis longtemps. "Entendu".
« Malheur à vous si vous proférez quelque plainte. Et maintenant, suivez-moi chez le Sultan ». Après avoir fait ces recommandations, le Khalifa se dirigea avec ses prisonniers vers la tente du Sultan. Abd el-Kader y siégeait, entouré de ses principaux lieutenants et marabouts. Les prisonniers furent reçus avec une solennité délibérée. Les Arabes et le Sultan gardaient un mystérieux silence. Précédés par le beau-frère du Sultan, Sidi Mustapha les trois prisonniers s'avancèrent.

-- « Lequel d'entre vous est le trompette ? » dit le Sultan « C'est moi. « Prends cette lettre. elles est pour toi ». A la lecture de sa lettre, une brusque rougeur lui monta aux joues ; ses yeux s'emplirent de larmes ; il se mit à trembler d'émotion. ( *) C'était une lettre de son Général, qui l'informait qu'il était décoré de la légion d'honneur, pour .la bravoure dont il avait fait preuve en se sacrifiant pour sauver son Colonel, dans l'affaire du 22 septembre 1843.

-- « Approche-toi, dit le Sultan». Le trompette fit quelques pas en avant. De ses propres mains. Abd el-Kader lui épingla la croix de la Légion d'honneur sur la poitrine. Puis, se tournant vers son beau-frère, il ajouta :

-- « Je ne vois que trois prisonniers. Il y en avait cinq : ou sont les deux autres ?

-- « Ils sont morts.
-- « Depuis quand ?
-- « Depuis longtemps.
-- « Ils sont morts de maladie ?
-- « On les a fusillés.

-- « Fusillés ! s'exclama le Sultan. en jetant un coup d'oeil sévère sur son beau-frère.

-- « Ils avaient tenté de s'échapper.
-- « Est-ce là une raison pour les tuer ? Cela est cruel, injuste, honteux. Si les Français se mettaient à tuer mes Arabes qui sont leurs prisonniers, que diriez-vous ?
-- « Chiens de Chrétiens !

-- « Assez ! Quelle honte ! Je ne veux plus de ces procédés. Est-ce que vous me comprenez ? Cette fois-ci doit être et sera la dernière. Donne trente francs à chacun des prisonniers, mettez-les dans mon Camp, et veillez à ce qu'ils soient traités comme il faut ».


Un décret sur les prisonniers de guerre

C'est à cette époque qu'Abd el-Kader résolut de publier un édit national sur le traitement des prisonniers ; car, en dépit de toute sa vigilance, des exemples isolés de barbarie continuaient de se produire. Il convoqua, en conseil extraordinaire, tous les Khalifas, Agas, Caids, et chefs de tribus.

Ils se réunirent au nombre de trois cents. Se levant et se tournant vers eux, Abd el-Kader choisit, en exergue de son discours, un article du Coran, où Mohammed blâme son beau-frère Ali d'avoir massacré cinq cents infidèles qui avaient mis bas les armes.

Appliquant ce passage au cas des soldats français faits prisonniers, Abd el-Kader souligna avec force qu'ils ne devraient plus être délibérément tués ou mutilés (décapité). Entraînant par son éloquence la conviction de son auditoire, il démontra l'inhumanité, la honte, l'inutilité de telles actions. Après quoi, il réclama un décret spécifiant que tout Français capturé, au combat ou autrement, serait considéré comme prisonnier de guerre et traité en conséquence, jusqu'à ce qu'une occasion se présentât pour en faire l'échange. La proposition du Sultan reçut l'approbation de la majorité du conseil.

Le décret suivant fut aussitôt rédigé ; on en fit des centaines de copies, qui furent promptement distribuées dans la totalité des villes, villages, et campements dans l'obédience du Sultan:

« Il est décrété, que tout Arabe qui amènera un soldat français, ou un Chrétien, sain et sauf, recevra une récompense d'un montant de huit dollars pour un homme, et dix dollars pour une femme.

« Tout Arabe ayant un Français ou un Chrétien en sa possession, est tenu pour responsable de la façon dont il est traité. Il est en outre tenu, sous peine de la sanction la plus sévère, de conduire, sans délai, le prisonnier soit au Khalifa le plus proche, soit devant le Sultan lui-même.


Ce faisant, il recevra la récompense promise. « Au cas où le prisonnier se plaindrait du plus léger sévices, l'Arabe qui l'a capturé perdra tout droit à la récompense indiquée ».


"Les français n'avaient plus de s’épouvanter à l'idée de tomber vivant entre les mains des arabes"



Une fois - et une fois seulement après la publication de cet édit, il fut rendu compte à Abd el-Kader qu'un de ses réguliers avait été surpris avec une tête de français dans les mains. Bondissant d'indignation, il écrivit sur le champ au Khalifa de la région où le fait s'était passé, lui donnant l'ordre d'amener immédiatement le coupable à son quartier général.

Il résolut de faire un exemple sévère. Ses régiments réguliers, infanterie et cavalerie, et les contingents de cavalerie irrégulier des tribus les plus proches, furent tous convoqués dans un immense rassemblement. Au jour et à l'heure dits, tous étaient sous les armes. Abd el-Kader était entouré de ses lieutenants civils et militaires.

Le coupable fut amené. On déposa la tête coupée aux pieds du Sultan. « Prisonnier, dit Abd el-Kader, l'homme auquel cette tête appartenait était-il mort ou vivant, lorsque tu l'as tranchée ?

"Mort"

"Alors tu recevras deux cent cinquante coups de bâton, pour avoir désobéi à mes ordres. Ce châtiment t'apprendra qu'un homme mort n'étant l'ennemi de personne, il est lâche et barbare de le mutiler ».

Le soldat fut jeté à terre et reçut sa récompense. II se releva, et pensant que son châtiment était terminé, il fit quelques pas. « Un moment, dit le Sultan, j'ai une autre question à te poser. Pendant que tu coupais la tête de l'homme, où était ton fusil ? - «Je l'avais posé sur le sol.

« Alors, deux cent cinquante coups de plus, pour avoir abandonné tes armes sur le terrain ». Après cette deuxième punition, le malheureux régulier pouvait à peine tenir sur ses jambes. Quelques hommes s'avancèrent pour l'emmener.

« Pas si vite, reprit le Sultan, j'ai encore une question à lui poser. Après avoir coupé la tête de l'homme, comment t'es tu arrangé pour porter en même temps sa tête et ton fusil ? - « Je tenais mon fusil d'une main, et la tête de l'autre. - « C'est-à-dire que tu portais ton fusil de telle façon que tu n'aurais pu en faire usage. Qu'on lui donne deux cent cinquante coups supplémentaires ».

Cette impitoyable sévérité produisit ses effets. Les français n'avaient plus de s’épouvanter à l'idée de tomber vivant entre les mains des arabes. Une fois capturés, (...)


La reddition d'Abd el-Kader (1847)

(...) La pluie ayant cessé, Abd el-Kader écrivit alors une lettre à au général Lamoricière, où il précisait ses demandes, et, une nouvelle fois, il dépêcha ses émissaires. Le général avait déjà communiqué l'importante transaction au Duc d'Aumale, le nouveau Gouverneur-Général, qui se trouvait être dans le voisinage immédiat.

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(Wikipédia) Henri d’Orléans, duc d’Aumale, (1822 -1897) prince du sang de la maison d’Orléans, fils du roi Louis-Philippe, est un militaire et un homme politique français, qui a notamment été gouverneur général de l'Algérie et à ce titre a participé à la reddition d'Abd el-Kader en décembre 1847. Il se distingue lors de la prise de la Smala d'Abd El-Kader (16 mai 1843) Alors qu'il était général de brigade.

(Vincent) On remarquera que Dieu a fait honneur à Abd El-Kader en faisant en sorte que sa Smala (sa capitale itinérante) soit prise par le fils en personne du Roi de France.

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Photo ci-dessous
Abd el-Kader portant la Légion d'honneur.

Abd el-Kader (1808-1883)En recevant la lettre d'Abd el-Kader, il s'était adressé en ces termes à son Altesse Royale (le duc d’Aumale) :

(Général Lamoricière) : « J'ai été obligé de prendre des engagements ; je les ai pris, et je l'ai fait, pleinement confiant que votre Altesse Royale et le Gouvernement les ratifieront si l'Emir fait confiance à ma parole. « Je vais à l'instant monter à cheval pour aller jusqu'à la Deïra.

Je n'ai pas le temps de vous envoyer une copie de la lettre que j'ai reçue de l'Emir, ni de la réponse que je lui ai faite. Qu'il me suffise de préciser, que j'ai seulement promis et stipulé que l'Emir et sa famille seront conduits à Saint-Jean d'Acre ou à Alexandrie. Ce sont les deux seules localités que j'ai mentionnées. Ce sont celles qu'il a désignées dans sa demande, et que j'ai acceptées ».

Avec, entre les mains, une stipulation écrite, entièrement conforme à ses propres termes, Abd el-Kader n'avait plus de raison d'hésiter ou de tarder davantage. Dans la matinée du 23 décembre 1847, accompagné de ceux de ses chefs et compagnons qui avaient décidé de partager son sort en terre étrangère, il se dirigea vers le Marabout (ou sanctuaire) de Sidi Ibrahim.

Il y fut accueilli par le Colonel Montauban, à la tête de 500 cavaliers, avec tout le respect, la sympathie, la considération dus à son rang élevé, au souvenir de ses glorieux faits d'armes, et au spectacle de son actuelle et accablante infortune. Abd el-Kader demanda la permission de pouvoir pénétrer dans le saint édifice. Sa requête fut agréée. Il descendit de cheval, et, sur le point de franchir la porte, dégaîna son épée et la donna à un homme de sa suite. Sa carrière militaire venait de prendre fin (...)

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A propos du Colonel et futur Général de Montauban, c'est lui qui co-dirigera l'expédition franco-anglaise contre la Chine de 1860.
Lire le chapitre : La bataille (miraculeuse) de Palikao. Si Dieu n'a pas donné la victoire à Abd el-Kader malgré sa sainteté, il va la donner à cette expédition en Chine dont le but, pour le camp Français, sera la réouverture des missions catholiques dans l'Empire chinois.
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"Les desseins de Dieu sont impénétrables"

(Vincent) Il aurait été sage pour Adb el-Kader de se rendre après la prise de sa capitale (la Smala). Les 4 années de guerre qui vont suivre vont être une souffrance inutile infligé au peuple algérien, qui débordera même sur le Maroc.

Mais le plus sage aurait été pour Abd el-Kader d'appliquer le principe "Perdre de l'espace pour gagner du temps". Le temps de paix jouait en sa faveur, il aurait été préférable de faire des concessions territorial aux français qui ne s'intéressaient pas à l'intérieur des terres et qui auraient été ravi de diriger conjointement l'Algérie avec lui.

Mais Abd el-Kader n'était pas un pragmatique et pensait qu'il aurait Dieu avec lui sur le sort des armes... mais son obstination accéléra la domination françaises au détriment des algériens et à long terme des français.

Galvanisé par le dogme musulman de la Guerre sainte, il paraissait impensable à
Adb el-Kader que Dieu puisse permettre à un peuple chrétien de dominer un pays musulman. ... Il ignorait que c'est la quasi totalité du monde musulman qui allait bientôt tomber aux mains des chrétiens et exercer une domination total sur le monde. ...  jusqu'à un nouveau déluge. (la Fin des temps)

Adb el-Kader ne comprenait pas sa défaite face à des non-musulmans et devait penser :
"C'est la volonté de Dieu... mais ses desseins sont impénétrables"


En fait lorsqu'on est sur la même "longueur d'onde" que Dieu, tout est parfaitement logique.

Si en tant que musulman, les desseins de Dieu sont impénétrables concernant la domination chrétienne, ... en revanche en tant que chrétien, tout est parfaitement cohérent. La logique chrétienne c'est que "les disciples de Dieu, la religion de Dieu, son peuple, commence dans un premier temps par être persécuter ... pour à la fin triompher. (Persécution puis Victoire, ... et non l'inverse).

Si l'influence française sur l'Algérie devait être la volonté de Dieu, en revanche sa colonisation était une erreur et ne devait pas faire partie des plans du Seigneur pour ce pays.



Séjour forcé en France (de 1847 à 1852)

(...) Vint l'ordre du départ" des prisonniers pour le Château de Pau.

(Pour info) : Nombreuses sont les figures historiques qui marquent ce lieu et au-dessus de toutes les autres, celle d'Henri IV, premier roi de France et de Navarre qui y voit le jour le 13 décembre 1553. (...) Soucieux de se rattacher à son glorieux ancêtre Bourbon, Louis-Philippe Ier (1830-1848), roi des Français, décide à son tour d'entreprendre la complète restauration du palais de Pau. A partir de 1838, tous les corps de métiers s'activent pendant dix ans à redonner son lustre au vieux château d'Henri IV.

Ils y arrivèrent le 20 avril 1848. On avait informé les autorités que des agents anglais se trouvaient dans le voisinage, cherchant à faciliter l'évasion d'Abd el-Kader. Les fenêtres du château furent garnies de barreaux. Sous elles, des sentinelles faisaient les cent pas nuit et jour. Abd el-Kader souriait intérieurement de toutes ces précautions.


"De toutes les régions de la France, on venait en foule frapper aux portails du château"

La période d'incertitude était terminée. Il se considérait comme un prisonnier à vie, et il se résigna stoïquement à son sort. Une sévère maîtrise de soi disciplina ses émotions, qui s'exprimaient jusque là de façon dramatique. La magnanimité de son âme reprit son ascendant accoutumé. Sur un homme qui disposait des ressources et de l'énergie mentales d'Abd el-Kader, la solitude avait des effets incomparables.

Mais le monde extérieur faisait alors pression sur lui. Il accepta cette diversion plus comme un devoir que comme un plaisir. De toutes les régions de la France, on venait en foule frapper aux portails du château. Poussés par des sentiments complexes de curiosité, de sympathie et d'admiration, hommes d'État, diplomates, et soldats, c'était à qui viendrait rendre hommage à l'auguste prisonnier, au sein de ses infortunes.

Abd el-Kader était obligé de tenir des audiences, qui duraient parfois des heures. Tous étaient fascinés par la hauteur et l'originalité de ses vues, la subtilité de ses allusions, l'heureuse formulation de ses compliments. Par dessus tout, ils étaient stupéfaits de voir que, loin de faire des reproches à ceux qui étaient les responsables de sa pénible épreuve, il semblait s'attacher à trouver des circonstances atténuantes à leur conduite, et essayer de leur alléger le fardeau de leur trahison et de leur déshonneur. (...)

(Vincent) Abd el-Kader se plaignait de ce séjour de "prisonnier" en France (5 ans, avec familles - femmes et enfants - et quelques compagnons d'armes), estimant qu'il avait été trahis par les Français qui s'étaient engagés à le laisser libre... mais avec du recul on peut comparer cette période à une sorte de purgatoire avant la gloire et la reconnaissance officielle et sa popularité en France s'en est trouvée renforcée et il va être généreusement pensionné par la France et se lier d'amitié avec Napoléon III.

La longueur de sa captivité (5 ans) était aussi liée à l'instabilité qui régnait en France et qui a vu la fin définitif de la royauté (révolution de 1848).
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Abd el Kader fut décoré de l'ordre de la Légion d'honneur pour son attitude à Damas en 1860 où il sauvera 15 000 chrétiens.

Pour en savoir plus sur Abd el-Kader : http://fr.wikipedia.org  --  Pour lire d'autres extraits du livre de Charle-Henry Churchill sur Abd el-Kader


Ville d’Alger en 1844La photo ci-contre est une daguerréotype représente les remparts d’Alger prise par une personne anonyme en 1844. Le daguerréotype est une technique photographique mis au point par Louis Daguerre en 1839. Ce document est à ce jour la photo la plus vielle de la ville d’Alger.

(Pour voir la photo en grand)



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Damas 1860
"Nous sommes les hommes d'Abd el-Kader venus ici pour vous sauver"

Le contexte historique : Les Turcs (venue d'Asie centrale et au type physique "slave") occupaient les pays arabes depuis plusieurs siècles via l'Empire Ottoman construit sur les ruines de l'Empire Byzantin. Beaucoup de Turcs sont en réalité des Byzantins convertis. l'Empire Ottoman n'est que la continuité, sous une autre forme, de l'Empire Byzantin (même capitale, Constantinople, même architecture, les mosquées turques sont des copies des basiliques byzantines, même domination sur les pays arabes).

Ces
"Ottomans" pour dominer, font ce que d'autres ont fait, à savoir "diviser pour mieux régner". Les Turcs arrivaient à manipuler les différentes communauté afin qu'elles s'entretuent, créant ainsi un profond fossé entre ces peuples. Le massacre de 1860 des Chrétiens par les Druzes, aidé des militaires Turcs en est une bonne illustration.

Le problème pour la l'Empire Ottoman, c'est qu'en 1860, elle n'avait plus les moyens d'agir ainsi en tout impunité et les pays occidentaux vont réagir et augmenter leur ingérence. Les responsables turcs de ces massacres vont être condamnées à mort (et exécutés) pour contrer la menace d'une intervention militaire française, qui aura quand même lieu.

Ce massacre va aider les pays chrétiens à programmer la fin de
l'Empire Ottoman. Cette tuerie est aussi un prélude des autorités Ottomans à leur volonté de "turquifier" le monde arabe, ce qui provoquera leur révolte qui aboutira à l'alliance avec les anglais lors de la guerre 14-18 contre la domination turque. Mais malgré la fin de l'emprise turque, l'heure de l'indépendance des pays arabes se rapprochait...  mais elle n'avait pas encore sonné.

Naturellement Abd el-Kader, par son humanisme, ne pouvez qu'être fortement choqué par une telle politique de massacre.

L'Émir Abd el-Kader (1808-1883)

Extrait du livre de Charle-Henry Churchill "la vie d'Abd el-Kader" (Première édition en 1867)


(...) Justement alarmés, les Chrétiens du Liban ne tardèrent pas à remarquer l'attitude menaçante que les Druzes prenaient à leur encontre. Ils comprirent bientôt que les Turcs allaient jouer leur vieux jeu de lâcher ces tribus contre eux.

Que devaient-ils faire ? Ils s'armèrent jusqu'aux dents. Et il eurent raison. L'accord turco-druze était déjà une réalité. Telle était la situation entre les Turcs et les Raias dans la Syrie de 1859. Les autorités turques de cette province avaient dûment rendu compte de l'attitude réfractaire des Chrétiens, et du ton général d'arrogance dont ils faisaient preuve, à leurs chefs de Constantinople.

Dans les instructions qu'ils reçurent, on leur souligna avec insistance que les Chrétiens devaient être "corrigés". L'expression semble bénigne, mais ceux à qui elle s'adressait en comprenaient fort bien le sens caché. (...)

En mai 1860, la guerre civile entre les Druzes et les Chrétiens, si assidument encouragée et excitée par les Turcs, éclata. En un peu plus d'un mois, le Liban devint une vaste scène de massacres et d'incendies.. Dans un moment les malheureux, les Chrétiens, malgré leur expérience, s'étaient laisse tromper par les solennelles protestations des pachas et colonels turcs qui prenaient Dieu à témoin qu'ils étaient sur le point d'intervenir en médiateurs.

Il se rendirent par centaines aux différentes garnisons turques installées dans la montagne, s'attendant, à tout moment à la proclamation de la paix. Là, après avoir été poliment priés de remettre leurs armes en signe de confiance, ils furent massés dans des cours entassés dans de petites pièces, suivant. la nature des lieux, en recevant l'assurance qu'ils s'y trouvaient en parfaite sureté.

C'est alors qu'un moment plus tard, les Druzes et les troupes turques tombèrent sur eux. Ils furent tous massacrés. Ils avaient été « corrigés ». Ce fut ensuite le tour des Chrétiens de Damas d'être
« corrigés ». Abdel Kader qui ignorait complètement le grand complot turco-druze, avait envoyé des messages à certains cheikhs Druzes de ses amis, au début de la guerre civile dans le Liban, pour les incité à user de patience et de modération.

Il eu bientôt l'occasion de tourner son attention vers des évènements plus proche de lui. Le bruit courait, chaque jour plus insistant que les musulman de Pachalik de Damas avaient l'intention de se dresser contre les Chrétiens. D'abord Abd el-Kader resta incrédule. Mais, jour après jour, ses a!gériens venaient le voir, lui répétant les effrayantes rumeurs de la ville.

On avait essayé de séduire nombre d' eux en leur demandant de se joindre au complot. ll se rendit alors auprès des Ulémas et les pria d'user de leur influence sur le peuple pour apaiser les esprits et écarter cette terrible catastrophe. Il écrivit des lettres urgentes, dans le même sens, au Ulémas de Homs et de Hamah. Ayant appris que quelques groupes isolés de Druzes étendaient leurs ravages du coté de Damas, il se hâta d'envoyer a tous leurs principaux cheiks la lettre collective que voici :

Aux Cheik Druzes du Mont Liban et des plaines et Monts du Houdan

« Nous invoquons sans cesse en votre faveur l'éternelle félicité, et une continuelle prospérité. « Vous connaissez notre amitié pour vous, et notre bonne volonté à l'égard de tous les serviteurs de Dieu. Ecoutez ce que nous vous disons, et que notre avis vous porte conseil. Le Gouvernement turc, et les autres, connaissent votre vieille inimitié à l'encontre des Chrétiens du Mont Liban, et vous pouvez vous imaginer que le Gouvernement ne vous tiendra pas pour entièrement responsables de la guerre qui fait maintenant rage entre eux et vous. Il se peut que le Gouvernement accepte vos excuses.

« Mais si vous commettez des agressions contre une ville dont les habitants et vous-mêmes n'avez jamais été en état d'hostilité, nous craignons qu'une telle conduite ne vous amène à une rupture grave avec le Gouvernement. Vous savez comme nous nous inquiétons de votre bien-être et de votre bonheur, pour vous comme pour tous vos compatriotes. Avant de faire le premier pas, le sage en calcule les conséquences. « Quelques-uns de vos cavaliers ont déjà pillé dans les environs de Damas. Ces agissements sont indignes d'une communauté qui se distingue par son bon sens et la sagesse de sa politique. Nous le répétons, nous sommes très inquiet pour votre bien-être, et nous sommes touché de tout ce qui rejaillit sur votre réputation.

«
Abd el-Kader lbn Mahi-Ed-Din ''  "Mai,1860"
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Abd el-Kader se rendit ensuite chez Achmet Pacha, le Gouverneur, et lui fit part de ses appréhensions.

Le Pacha lui dit qu'il n'y avait pas de raison de s'alarmer et que toutes ces nouvelles n'étaient que vains racontats. Une deuxième, puis une troisième fois, il revint chez le Gouverneur pour lui renouveler ses représentations, mais sans résultat.

En fin de compte, le Pacha donna la permission de faire distribution quelques armes parmi les compagnons d'
Abd el-Kader, mais sans préciser dans quelles circonstances elles devaient ètrc utilisée. Le 9 juillet, dans la matinée, les Algériens d'Abd el-kader accoururent à bout de souffle pour lui dire que la ville s'était soulevée. Sans perdre un instant, il se précipita dehors, en donnant l'ordre à ses compagnons de le suivre.


Ses hommes allaient de maison en maison, entrant et criant :
"Chrétiens ! sortez. ! N'avez pas peur de nous, nous sommes les hommes d'
Abd el-Kader venus ici pour vous sauver"


Après quelques détours, il rencontra une foule en furie qui courait droit sur le quartier chrétien. Il s'installa avec ses hommes au milieu de la rue. La foule s'arrêta net. Il y eu une accalmie Abd el-kader harangua les émeutiers, essaya de les raisonner. de les convaincre de l'horreur du crime qu'ils étaient  sur le point de commettre. Il les supplia d 'y renoncer et de s'en retourner.

- « Quoi ! clamaient-ils. toi, le grand tueur de chrétiens, tu es sorti pour nous pêcher de les tuer à notre tour ? Va-t-en.

- « Si j'ai tué des chrétiens. leur cria-t-il en réponse c'était en accord avec notre loi. Il s'agissait de chrétiens qui m'avaient déclaré la guerre et avaient pris les armes contre notre foi ».

- « Va-t-en,
Va-t-en » répliqua la foule et les émeutier se ruèrent en avant. En trois heures le quartier chrétien devient une mer de flammes. Les bouffées d'air brûlant qui sortaient de cette fournaise, chargés des plaintes de ceux qui étaient torturés et des cris de celles qui étaient souillées, roulaient sur la ville comme les vagues de l'enfer.

Quelques jours plus tôt, le Pacha avait fait semblant de se procurer quelques protection aux chrétiens en faisant stationner des troupes dans leur quartier. Il donna l'ordre à ses soldats l'ordre de se retirer. Ils formèrent les faisceaux et se mire à piller. Mais Abd el-Kader veillait. Un millier environ de ses Algériens s'étaient entre temps réunis autour de lui. Il patrouilla dans les rues en flammes.

Ses hommes allaient de maison en maison, entrant et criant "Chrétiens! sortez. ! N'avez pas peur de nous, nous sommes les hommes d'
Abd el-Kader venus ici pour vous sauver ! Sortez !  Sortez !"

D'abord aucune voix ne répondait, Les infortunées victimes craignaient une nouvelle fourberie. Peu à peu, cependant après des assurances instantes et répétées, elles reprenaient confiance. Hommes, femmes enfants, surgissaient de leurs cachette en tremblant et en rampant.

On les voyait émerger des puits, des sentines, des caniveaux. Ils étaient rassemblés aussi vite qu'il était possible, et emmenés en hâte, vers la résidence d'
Abd el-Kader, groupés à l'intérieur de longues formations ovales, que taisaient les Algériens en les entourant, pour les protéger, tout le long du parcours, des insultes et des agressions. Abd el-Kader, qui, à plusieurs reprises, avait échappé de justesse à l'asphyxie, reprit alors le chemin de sa maison. Il ln trouva bondée de réfugiés. Il persuada ses voisins immédiats de libérer leurs habitations pour abriter les malheureux fugitifs. Mais le flot grossissait sans cesse, et il fallait toujours plus d'espace.

En dernière ressource, il proposa aux Chrétiens de les envoyer, pour leur sauvegarde, vers la forteresse turque. Mais, à cette proposition, un cri farouche jaillit de toutes les poitrines. Les malheureuses créatures se jetèrent à genoux et avec des gestes frénétiques et des accents déchirants, s'écrièrent :

Abd el-Kader, pour l'amour de Dieu, ne nous envoie pas chez les Turcs !
Par ta mère ! Par ton épouse ! Par tes enfants !
Ô Abd el-Kader, sauve-nous des Turcs !"

Abd el-Kader
s'efforça. de rassurer les suppliants et d'apaiser leurs craintes. Il se porta garant de leur sécurité, et offrit de les accompagner en personne jusqu'à la citadelle. On ne toucherait pas à un seul de leurs cheveux, dit-il, aussi longtemps qu'il serait en vic. Emplis de triste,s pressentiments et le cœur serré, les Chrétiens finirent par consentir à se mettre en route. Abd el-Kader en personne allait en tête du triste cortège. Ses Algériens l'encadraient derrière et sur les flancs. Il avançait rapidement. Un accablement étrange pesait sur la grande cité.

Les bazars étaient tous déserts, et répercutaient en tristes et funèbres échos le piétinement de la troupe. La citadelle, qui était éloignée de près d'un mille, fut atteinte un peu avant le coucher du soleil. Et
Abd el-Kader remit ses protégés aux Turcs, qui le regardaient d'un œil soupçonneux. Pendant plusieurs jours, ses Algériens furent constamment occupés à escorter les Chrétiens fugitifs, par groupes de vingt, cinquante et cent, vers la même destination.

Lorsqu'ils étaient rassemblés et emmenés en hâte, tous se récriaient : « Ne nous laissez pas à la merci des Turcs ! Revenez nous prendre ! Restez avec nous ! Les Turcs vont encore nous massacrer ! » En vérité, leurs craintes n'étaient pas sans fondement.

Le troisième jour, lorsque le vaste quadrilatère à l'intérieur de la citadelle fut empli de plusieurs milliers de Chrétiens de tout rang et de tout âge, les Turcs, impassibles, formèrent deux groupes, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre. Le premier était réservé au massacre, le second au viol. Ils attendaient seulement l'arrivée des Druzes qu'ils avaient hâte de voir arriver à tout instant, pour les aider dans leur œuvre diabolique.

Mais là aussi, Abdel Kader avait prévenu et déjoué leurs plans sataniques. On l'avait informé de l'approche des Druzes. Sautant en selle, il avait galopé à leur rencontre. Il était tombé sur eux dans le village de Ashrafeey, aux environs de la ville. Là, il avait parlementé avec leurs Cheiks, les avait raisonnés, et grâce à son influence personnelle, à ses arguments éloquents et persuasifs, avait réussi à les détourner de leur expédition sanguinaire.


"Je ne livrerai pas un seul chrétien. Ce sont mes frères
"


Pendant dix jours, il continua de se consacrer à cette tâche ardue. Un jour, la foule se dirigea vers sa maison, et prétendit, en poussant des cris farouches, que les Chrétiens qui s'y trouvaient lui fussent livrés. Il dégaina son épée, et, accompagné d'un fort détachement de ses compagnons, sortit sur le champ pour affronter la foule hurlante.

« Misérables ! s'écria-t-il, est-ce là la façon dont vous honorez le Prophète ? Que sa malédiction soit sur vous ! Honte sur vous, honte ! Vous vous en repentirez. Vous croyez pouvoir faire ce que vous voulez avec les Chrétiens ; mais le jour viendra. où vous devrez payer, et les Francs transformeront vos mosquées en églises. Je ne livrerai pas un seul chrétien. Ce sont mes frères. Retirez-vous, ou je donne à mes hommes l'ordre de faire feu ».

La foule se dispersa. Quand il retournait à son poste, c'était pour monter une garde anxieuse le jour, et une veille sans sommeil la nuit. Il avait fait étendre un tapis devant son portail et c'est sur cette couche inconfortable qu'il s'octroyait de temps à autre de rares instants de sommeil agités. Il resta à son poste sans désemparer. Il sentit que sa présence personnelle était absolument indispensable à la sécurité de tous. Le flot des réfugiés était incessant. A chaque instant,
Abd el-Kader était appelé pour donner des ordres, pour former des escortes, ou pour distribuer des provisions aux milliers de malheureux agglomérés sous son toit.

Les consuls européens, laissant leurs consulats en flammes derrière eux, s'étaient enfuis chez lui, avec leurs familles, dès le premier jour.

Seul, le consul britannique, qui habitait le quartier musulman, s'était jugé en sécurité. Mais, pour plus de sureté, il avait envoyé un message au Pacha, requérant que des troupes turques fussent stationnées chez lui. En conséquence, un détachement de soldats fut envoyé pour sa protection. Peu de temps après leur arrivée, un de ses Cawas vint lui dire d'être sur ses gardes. Il avait surpris la conversation des soldats turcs : ils parlaient de faire irruption à l'intérieur du consulat, et de massacrer tous ceux qui tomberaient entre les mains.

Après une brève délibération, on en vint à la conclusion qu'
Abd el-Kader était maintenant la seule ressource qui leur restait. En conséquence, un messager fut aussi tôt dépêché vers Abd el-Kader, pour demander instamment une aide immédiate. A la surprise des soldats turcs stupéfaits, dix-sept Algériens firent soudain leur apparition, et agirent comme s'ils les remplaçaient dans leurs fonctions. Les Turcs en furent pétrifiés. Leur complot sanguinaire avait échoué et la sécurité du consul hritanique était assurée. En fait, l'intervention avait été à la fois opportune et providentielle. Quelques minutes plus tard en effet, le consul, son personnel et sa famille, auraient été massacrés par leur garde turque.

Bien que la grande masse des chrétien est été dirigée vers la citadelle, les consulats et nombre de chrétiens des classes aisées continuèrent de partager l'hospitalité d'
Abd el-Kader pendant plus d'un mois. Peu à peu, ce rassemblement se dispersa, s'en allant en petits groupes successifs vers Beyrouth, escortés par des Algériens. Enfin, Abd el-Kader pouvait prendre quelque repos.

Il avait arraché de la mort, et même à un sort pire que la mort, 15 000 âmes appartenant aux églises Orientales, grâce à son courage indomptable, à son activité inlassable. et à un dévouement inspiré par son libéralisme. Tous les représentants des puissances chrétiennes qui résidaient alors à Damas, sans la moindre exception, lui devaient la vie. Quelle étrange et unique destinée ! Un Arabe avait protégé de son ombre tutélaire la majesté outragée de l'Europe. Un descendant du Prophète avait abrité et sauvegardé l'Epouse du Christ.


CHAPITRE XXIV

1860,1864


(...) Les puissances chrétiennes comblèrent
Abd el-Kader des témoignages les plus distingués de leur gratitude. et de leur admiration. Des lettres, des présents. des décorations lui vinrent de tous cotés.

-- la France lui envoya le Grand Cordon de la Légion d'Honneur,
-- la Russie, le Grande Croix de I'Aigle Blanc,
-- la Prusse, la Grande Croix de I'Aigle Noir,
-- la Grèce. la
Grande Croix du Sauveur,
-- l'Angleterre lui envoya un fusil à deux canons magnifiquement inscrusté d'or,
-- l'Amérique, une paire de pistolets également incrustés d'or,

Tous ces dons et toutes ces décoration étaient accompagné de lettres de remerciements.

Mais ce n'était pas. seulement dans le monde chrétien que la conduite d'
Abd el-Kader, au milieu des scènes hideuses dues à l'œuvre sinistre du fanatisme turc, avait créé une sensation profonde et provoqué des sentiments de joie et de reconnaissance. Dans le monde musulman aussi, un sentiment profond d'étonnement et d'horreur avait répondu à l'impudence vindicative, à l'aveugle fatuité, à la malveillance anti-chrétienne et sanguinaire d'une puissance mahométane qui, alors qu'elle prétendait répondre aux plus hautes exigences de la civilisation européenne, osait ainsi encourager des actes atroces, d'une barbarie gratuite, et qui n'étaient même pas imaginé par les doctrines les plus féroces et les plus outrées du Coran lui-même. (...)

Extrait du livre de Charle-Henry Churchill "la vie d'Abd el-Kader" (1867)
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Visite chez le Sultan

Extrait du livre de Léon Roches "32 ans à travers l'islam" Firmin Didot, 1884

Décembre 1837, Léon Roches arrive au camp d'Abd el-Kader.
"Au milieu du camp s'élève une immense tente. Une foule épaisse en obstrue toujours l'entrée malgré les coups de bâton distribués avec largesse sur les Arabes trop rapprochés: c'est la tente du sultan. (...) Grâce aux chaouchs qui nous précédaient et la dignité de mon introducteur, un passage nous fut ouvert au milieu de la foule, nous pénétrâmes dans la tente "

Je levai mes regards sur lui. Je crus rêver quand je vis fixés sur moi ses beaux yeux bleus, bordés de longs cils noirs, brillant de cette humidité qui donne en même temps au regard tant d'éclat et de douceur. Il remarqua l'impression qu'il venait de produire sur moi; il en parut flatté et me fit signe de m'accroupir devant lui. Je l'examinai alors avec attention.

Son teint blanc a une pâleur mate; son front est large et élevé. Des sourcils noirs, fins et bien arqués surmontent les grands yeux bleus qui m'ont fasciné. Son nez est fin et légèrement aquilin, ses lèvres minces sans être pincées; sa barbe noire et soyeuse encadre légèrement l'ovale de sa figure expressive.

Un petit ouchem ( Tatouage) entre les deux sourcils fait ressortir la pureté de son front. Sa main, maigre et petite, est remarquablement blanche, des veines bleues la sillonnent; ses doigts longs et effilés sont terminés par des ongles roses parfaitement taillés; son pied, sur lequel il appuie presque toujours une de ses mains, ne leur cède ni en blancheur ni en distinction" (...)



Ces temps-là appartiennent au passé, je souhaite les oublier.

Tachons toujours de vivre dans le présent


Extrait du livre "Les secrets de Paris" de Clémentine Portier-Kaltenbach


(...) Mais la France ne tiendra pas parole et l’Émir vaincu ainsi que ses proches vont devoir passer cinq ans en captivité en France, ou ils seront détenus successivement au fort de Lamalgue près de Toulon, au château de Pau, puis au château d’Amboise. Abd el-Kader est évidemment terriblement choqué par cette trahison, au point qu'à Toulon, il refuse toute sortie, Sauf une visite de l'arsenal. (...)

C'est Louis Napoléon Bonaparte, devenu président de la République, qui va mettre fin à cette captivité. Indigné par l’attitude de son pays, il vient annoncer sa libération au prisonnier au château Amboise le 1er octobre 1852, et l'invite à Paris. Entre les deux hommes, l'entente est immédiate : « D'autres m'ont renversé et emprisonné, mais Napoléon est le seul qui m’ait conquis ! » déclarera l’
Émir.

Abd el-Kader arrive à Paris le 28 octobre 1852. Une réception grandiose lui est réservée. Une foule nombreuse se presse pour le voir, attirée par l'immense renommé militaire du chef arabe qui fut le grand vainqueur de la Macta en 1835.

Le soir même de son arrivée, l'
Émir est invité à une soirée à l’Opéra. Louis Napoléon et lui-même se donne l'accolade sous les applaudissements. L'émir sera reçu par le prince président et par les plus hauts dignitaires de l’État au château de Saint-Cloud, mais il reçoit aussi la visite d'anciens officiers et soldats qui avaient été ses prisonniers en Algérie et qui viennent le remercier pour la façon dont ils avaient été traités.

Au cours de sa visite de la capitale, il se dira très surpris par le nombre d’églises, iI ne s'attendait pas à ce que le peuple français soit un peuple aussi religieux.

Aux Invalides, il s'incline devant le tombeau de Napoléon, et il est autorisé à toucher son épée, puis, devant les étendards qui lui avaient été pris au cours des combats, Abd el-Kader déclare : « Ces temps-là appartiennent au passé; je souhaite les oublier. Tachons toujours de vivre dans le présent. »

Il partira finalement en Turquie, puis à Damas, en Syrie, ou il ira enseigner la théologie, mais il reviendra à Paris pour assister à la proclamation de l'Empire et pour l'Exposition universelle de 1855.

(…) En juillet 1860, il va s'opposer au massacre des chrétiens à Damas.

Il convoque tous les Algériens de Damas, un millier d'hommes, et interpelle en ces termes le consul de France : "Tu m'as dit que partout où flotte le drapeau français, c'est la France ?" Oui, lui répond le consul, "Alors, prends ton drapeau et plante-le sur ma maison, pour qu'elle devienne la France".


Après ces événements de Syrie, il reçoit la Grande croix de la Légion d'honneur. L'Algérie le considère comme « le Père de la nation ». En juillet 1966, quatre ans après son indépendance, elle organise en grande pompe le retour des cendres de
l’Émir.

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